Porter la marinière homme, pour faire son marin !
Remise au goût du jour par Jean-Paul Gaultier et, dans un autre genre, par Arnaud Montebourg sur une désormais célèbre couverture du Parisien Magazine pour le soutien au « made in France », la marinière homme n’a jamais cessé de susciter les interrogations vestimentaires : comment la porter et avec quoi ? Peut-elle être élégante ? Faut-il tout simplement la ranger au placard ? Je vous aide à répondre à ces questions existentielles.
Jamais démodée, toujours vénérée
La marinière homme fait partie de ces vêtements qui ne sont plus sensibles aux modes, mais qui s’inscrivent bel et bien dans un style intemporel. Elle allie deux qualités : traverser les époques sans se démoder, et convenir à tous les genres (d’âges, de physiques). La tempête a beau souffler et menacer de démâter le navire, rien n’empêche la marinière de rester à flots.
Mais les avis en ce sens ne sont pas unanimes. Le magazine GQ, par exemple, conseille à ses lecteurs de fuir la marinière. Pourquoi ? Au prétexte que son col évasé, cauchemar de la garde-robe masculine, manquerait de virilité, surtout pour nous autres hommes dotés de merveilleux poils.
Il est vrai, en toute objectivité, que la marinière n’est pas un vêtement aisé à porter. Mais puisqu’elle est chic et pratique, je vais vous donner quelques conseils pour vous revêtir de ce classique de la mode masculine avec un maximum de bon goût. Avec, d’abord, un petit cours d’histoire.
Origine et évolution de la marinière
L’histoire de la marinière, intimement liée au monde maritime, remonte aux tableaux anglais ou hollandais qui, dans leurs représentations de batailles navales, montrent des matelots vêtus de rayures – blanches et rouges ou bleues. En France, jusqu’au Second Empire, les hommes d’équipage n’ont pas de costume réglementé : ils portent leurs habits de tous les jours pour partir en mer.
C’est en 1858 qu’une ordonnance militaire instaure la marinière comme composante de l’uniforme des matelas, en sus du pantalon à pont, de la chemise blanche à col bleu, du manteau court en drap de laine (futur caban) et du bonnet à pompon.
La marinière traditionnelle affiche des rayures blanches et des rayures bleu indigo horizontales ; elles sont au nombre de 20 à 21 selon les modèles. Les blanches sont plus larges que les bleues : 20mm contre 10mm. Sur les manches, elles sont au nombre de 15 pour les blanches, et entre 14 et 15 pour les bleues.
Ces rayures avaient une raison d’être très pragmatique : permettre aux observateurs de repérer un marin tombé à l’eau. Par la suite, la marinière homme est devenue un tricot de corps casual, idéal pour flâner sur les bords de mer. Puis elle a investi les milieux urbains dans les années 80 grâce à l’audace d’un certain Jean-Paul Gaultier, qui en a fait sa marque de fabrique.
Baguette, camembert et marinière
La marinière revient au gré des saisons, s’installe pour un temps dans les placards pour mieux en ressortir plus tard. Et elle change : elle a été portée avec des rayures multicolores, des manches courtes, parfois en laine ou en coton… Et elle a définitivement échappé à son modèle militaire suranné, tout en conservant sa touche marine.
Au passage, la marinière s’est constituée en tant que symbole de la culture française, aux côtés de la sainte trinité du bon Français (vu à l’international) : baguette, camembert, béret. Le cinéma a contribué à sa popularité : Charlotte Gainsbourg dans L’Effrontée, Jeanne Moreau dans Jules et Jim. Belmondo se laisse séduire par Jean Seberg en marinière dans À bout de souffle.
Toute une génération d’acteurs américains l’a ensuite adoptée, et non des moindres : John Wayne, James Dean, Audrey Hepburn, Anthony Perkins. Elle devient aussi un symbole de mélange des genres sexuels, lorsqu’elle habille le jeune éphèbe dont tombe amoureux le professeur dans Mort à Venise ou le jeune marin homosexuel de Querelle, le dernier film de Fassbinder.
Des personnalités de tous les âges et de toutes les époques ont fait sa promotion : Kurt Cobain, Pablo Picasso, les footballeurs de l’équipe de France… et Montebourg, donc, lorsqu’il était ministre du Redressement productif, pour soutenir le « made in France » incarné par la marinière homme et par son fabricant historique, Armor Lux.
La marinière a donc été souvent portée. Mais a-t-elle été bien portée ? Peut-on encore la revêtir aujourd’hui ?
La marinière homme et la mode
Une évidence, d’abord : la marinière est un incontournable de la garde-robe masculine. Elle se porte à toutes les saisons : en été, sur un pantalon en toile ou un bermuda, elle est suffisamment chaude mais pas trop. En hiver, sous un caban, un cardigan ou un duffle-coat, au-dessus d’un jean, elle aide à affronter le froid en toute élégance.
Si la marinière donne toujours cet air de capitaine abandonné, c’est qu’elle n’a jamais réellement gommé son emprunt poétique à l’imaginaire maritime, aux embruns des bords de mer, aux souffles du vent sur les voiles du navire. Avec cet accessoire, on se sent rapidement des airs de matelot, lancé à bord de l’Astrolabe ou de La Zélée, sous le commandement de Dumont d’Urville.
Voici mes conseils pour bien la porter :
- Choisissez les bonnes rayures ! Prenez en compte votre morphologie, évitez les rayures horizontales si vous êtes de forte consistance (et tant pis si vous détournez la marinière traditionnelle ce faisant). Les rayures fines amincissent et font plus chic, les plus épaisses ont tendance à vous élargir et font plus décontracté.
- Restez sur les couleurs traditionnelles ! Rayures blanches et bleu indigo, ou bleu marine.
- Coordonnez vos couleurs ! Évitez les baskets rose avec une marinière. Restez sobres pour le reste de l’habillement, à moins que vous ne tentiez une antithèse de couleurs, mais ça vous regarde ! Et oubliez l’idée de vous vêtir tout en rayures, vous ressembleriez à un détenu dans un cartoon de Tex Avery.
- Détournez le regard ! Qu’on voie les rayures, mais pas constamment. Enfilez un gilet par-dessus la marinière, jouez sur les accessoires (écharpes, foulards) pour que les rayures ne soient pas les seules parties de votre habillement visibles.
Avec ces quelques conseils, vous porterez, j’en suis certain, la marinière à merveille. Hisse-et-oh ! comme dirait l’autre.