Jeux vidéo rétro : un marché qui peut rapporter gros
Qui a dit que le gaming n’était qu’un truc de geek ? Dans une industrie évaluée à plusieurs milliards de dollars annuels, le plaisir du jeu n’a d’égal que les gros bénéfices qu’il peut rapporter à ceux qui savent l’exploiter. C’est notamment le cas d’une catégorie à part réservée aux nostalgiques et aux tenants du « c’était mieux avant » : les jeux vidéo rétro. Un business qui explose tous les records.
Le potentiel commercial des anniversaires
À l’occasion de la Japan Expo 2015, le créateur de Mario et figure majeure de la firme Nintendo, Shigeru Miyamoto, est monté sur scène pour célébrer le 30e anniversaire du plombier moustachu. C’est en 1985 que sortait le premier Super Mario Bros. sur NES, faisant souffler le vent de la révolution sur le marché du jeu vidéo.
Des anniversaires importants dans le jeu vidéo, il y en a des milliers. 2015 était aussi l’occasion de célébrer les 35 ans de Pac-Man et de la Master System (première console de salon commercialisée par Sega), les 25 ans de la Neo Geo, les 20 ans de Rayman (le personnage iconique de chez Ubisoft) et de la PlayStation.
Jusque là, tout va bien. Mais la manne représentée par les célébrations anniversaires ne s’est pas arrêtée aux jeux et aux consoles. L’année dernière, Microsoft a également fêté les 30 ans du studio de développement Rare (les premiers Donkey Kong Country sur SNES) avec une compilation de jeux rétro. On peut fêter n’importe quoi, du moment que ça se traduit par une hausse des ventes.
C’est que les anniversaires revêtent un intérêt commercial puissant, qui touche aussi bien les journalistes que les joueurs. Ces célébrations s’accompagnent parfois de nouvelles sorties (les 25 ans de Zelda en 2011 ont coïncidé avec la parution du nouvel épisode sur Wii), souvent de ressorties de logiciels anciens proposés tels quels ou à travers des remakes. L’occasion de (re)vendre toujours les mêmes jeux.
Le business des jeux vidéo rétro
Une occasion en or, quand on sait que l’univers des jeux vidéo rétro connaît, ces dernières années, une telle flambée des prix que certaines consoles et certains jeux anciens sont devenus tout simplement inaccessibles à la bourse du commun des mortels. En 2014, le site Gangeekstyle tirait déjà la sonnette d’alarme et apportait quelques explications sur ce phénomène :
- La rareté. Le marché des jeux vidéo rétro est, par définition, fermé ; cela signifie que ces jeux n’étant plus produits par les fabricants, ils ne sont disponibles que d’occasion et dans des quantités limitées. Et, comme dans tout autre domaine commercial, cette rareté alimente son lot de spéculation, comme en bourse. En l’occurrence, ce sont les jeux en bon état qui sont privilégiés, et qui coûtent le plus cher (avec boîte et notice).
- La forte demande. La communauté des amateurs de rétrogaming ne cesse d’augmenter, les jeux vidéo rétro sont à la mode. Par conséquent, la demande augmente, même très fortement.
- L’accessibilité. Il y a encore quelques années, les gamers nostalgiques ne pouvaient se procurer des jeux anciens que dans certaines boutiques triées sur le volet, notamment à Paris (quel joueur de la capitale n’a pas exploré les magasins du boulevard Voltaire ?). Désormais, les sites de vente en ligne comme Leboncoin et Ebay mettent ces précieux objets à disposition de tout un chacun, en seulement quelques clics.
Un Youtubeur sachant Youtuber
D’autres acteurs du marché ont su profiter de la manne représentée par les jeux vidéo rétro : les Youtubeurs. On ne compte plus le nombre de chaînes Youtube qui proposent des vidéos dans lesquelles des internautes se filment eux-mêmes en train de jouer ; internautes qui sont devenus de véritables idoles sur la Toile, comme le montre cet article qui analyse le phénomène.
On peut distinguer deux types de vidéos :
- Les émissions consacrées aux jeux (essentiellement dans le cadre du rétrogaming)
- Les captations de parties en solo ou en multi-joueurs (via Youtube Gaming ou Twitch)
À travers leurs vidéos postées en ligne, certains Youtubeurs parviennent à engranger des bénéfices publicitaires de plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’euros par mois. C’est le cas des « stars » de la plate-forme comme le Joueur du Grenier, DiabloX9 ou Squeezie. Et nous n’évoquons ici que les internautes français.
De quoi intéresser de près les éditeurs de jeux, qui entendent bien surfer sur le goût renouvelé des gamers pour ces softs qu’ils ont vu ou revu à l’occasion du visionnage de ces vidéos.
Quand les pixels prennent d’assaut les bibliothèques
La puissance de frappe des jeux vidéo rétro ne s’arrête pas aux seuls jeux. Ces dernières années, toute une littérature s’est développée autour de la question : histoires du jeu vidéo, parcours des constructeurs et des éditeurs, guides consacrés à une saga, etc. Geeks-Line, Omake Books, Pix’n Love, Third Editions sont autant de maisons d’édition qui surfent sur ce regain d’intérêt.
Pour autant, pas question de tomber dans la facilité et de considérer ces publications comme réservées à des geeks qui sauraient à peine lire. C’est que la littérature du jeu vidéo n’est pas seulement riche en avatars : sur un marché extrêmement concurrentiel, elle s’astreint à des niveaux élevés de qualité éditoriale.
En outre, ces ouvrages peuvent s’avérer très pointus, soit parce qu’ils rentrent dans des détails techniques (les livres qui racontent l’histoire d’un fabricant comme Nintendo ou Sega), soit parce qu’ils choisissent un angle culturel, économique, sociologique, voire philosophique pour traiter du jeu vidéo. À ce titre, certains essais sont très parlants :
- Des pixels à Hollywood : cinéma et jeu vidéo, une histoire économique et culturelle, par Alexis Blanchet.
- Pong et la mondialisation, par William Andureau.
- Philosophie des jeux vidéo, par Mathieu Triclot.
- L’Histoire des jeux vidéo polémiques, par Benjamin Berget.
Et bien d’autres sur cette sélection particulièrement riche. Autant d’exemples qui prouvent que non seulement les jeux vidéo rétro (et pas seulement) sont devenus un objet d’étude, au même titre que le cinéma ou la littérature, mais qu’en outre, leur potentiel commercial dépasse de loin les seuls gamers scotchés devant leur console.
Les jeux vidéo rétro font peau neuve
C’est donc tout un business, d’une ampleur impressionnante, qui s’est développé autour des jeux vidéo rétro, porté par les gamers eux-mêmes. Les éditeurs ne sont d’ailleurs pas à la traîne : une grosse partie de leur stratégie marketing aujourd’hui consiste à proposer aux joueurs de revivre une expérience nostalgique.
Chaque grand constructeur possède son propre réseau en ligne d’achat de jeux nouveaux et anciens : Nintendo eShop pour la Wii U et la 3DS, PlayStation Store sur PS3 et PS4, etc. Ces plates-formes proposent quantité de jeux vidéo rétro, pour lesquels les gamers n’hésitent pas casser leur tirelire. Parce qu’il est plus facile de télécharger un jeu que de racheter ou de rebrancher une vieille console.
Autre tendance : le remake. L’accélération des projets de portage de jeux anciens sur consoles récentes, voire de refontes complètes à destination des machines haute définition, démontre que les éditeurs ont bien perçu le potentiel nostalgique des jeux vidéo rétro. Citons quelques exemples :
- Les versions HD de Zelda : the Wind Waker et Zelda : Twilight Princess sur WiiU ;
- Le remake HD de Final Fantasy X, et celui de Final Fantasy VII, certainement le portage le plus attendu par les gamers ;
- Les nouvelles versions régulièrement proposées par Nintendo sur ses machines portables (Dragon Quest, Final Fantasy, etc.).
Même l’univers du PC n’y échappe pas : l’annonce de la sortie d’une version remasterisée d’un classique du « point & clic » signé LucasArts, Day of the Tentacle (1993), a déchainé la communauté des gamers sur Internet. Et je dois avouer que même moi, cette nouvelle m’a fait bien plaisir !