Comprendre ce que sont les paradis fiscaux

Paradis fiscaux : la formulation fait penser à une sorte d’éden sur Terre, un territoire merveilleux où l’on serait accueilli par des joueuses de lyre et des coupes débordantes de nectar. Sauf qu’en réalité, le paradis fiscal est une notion abstraite, une entité invisible et impalpable, qui correspond à un territoire (physique, administratif) dans lequel la fiscalité est faible ou inexistante. Et ceux qui y installent leurs biens portent un nom : les évadés fiscaux. Voilà qui est tout de suite moins sympathique.

On ira tous aux paradis (fiscaux)

On parle de paradis fiscaux à propos de territoires dans lesquels la fiscalité est faible relativement à une norme. Sauf que cette norme est évidemment différente selon les pays, selon les territoires, selon les domaines d’activité, et parfois au sein d’une même nation selon les zones.

La notion de fiscalité faible prend pour élément de comparaison les niveaux d’imposition en vigueur dans les pays membres de l’OCDE. Certains gouvernements usent d’un euphémisme, préférant parler de « pays à régime fiscal privilégié » plutôt que de paradis fiscaux. C’est ainsi que les nomme le Code général des impôts français.

Quels en sont les critères ?

Même s’il n’existe pas de critère clair et objectif permettant d’identifier un pays ou un territoire comme étant un paradis fiscal, l’OCDE a retenu 3 conditions :

  • Une imposition faible ou inexistante
  • Une absence de transparence sur le régime fiscal
  • Un manque d’échange de renseignements fiscaux avec d’autres pays

Toutefois, chaque pays organise sa propre liste de paradis fiscaux en fonction de sa fiscalité et de ses critères. On retrouve ainsi, au gré des territoires concernés, les caractéristiques suivantes :

  • Des dépenses publiques réduites (du fait d’un faible taux d’imposition)
  • Une certaine stabilité économique et politique
  • La liberté totales des changes
  • Un secret bancaire (et commercial) absolu
  • Un secteur financier particulièrement développé
  • Une forme d’impunité judiciaire en regard des lois des autres États

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Qui sont les paradis fiscaux ?

À quoi donc ressemblent les pays que l’on considère comme étant des paradis fiscaux ? N’imaginez pas une sorte de vaste coffre-fort façon Picsou posé sur la carte du monde. Il s’agit généralement de tout petits territoires, souvent des îles, dont la taille n’excède pas celle d’une région française.

Ces minuscules États compensent une activité commerciale réduite et un faible taux d’imposition par un volume important d’opérations financières au niveau mondial. Ils ont également pour spécificité d’entretenir le culte du secret et de faire régner l’opacité sur leurs mouvements financiers.

Quelques paradis fiscaux connus :

  • Les îles : Bahamas, Bermudes, Caïmans, Samoa, Vierges
  • Les pays : Andorre, Costa Rica, Liberia, Liechtenstein, Monaco, Panama, Philippines, Suisse

Néanmoins, la notion de paradis fiscal est tellement relative qu’elle peut englober des États qui ne répondent pas strictement à sa définition.

Prenez, par exemple, l’Irlande : pour relever la tête à la suite de la terrible crise économique qui l’a touché, le pays a encouragé l’installation des sociétés étrangères par l’application d’une fiscalité très faible sur les entreprises. C’est, techniquement, du « dumping fiscal ». Mais vous reconnaîtrez que cet avantage fait de l’Irlande un paradis fiscal pour une entreprise.

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Comment ça fonctionne ?

Les paradis fiscaux sont devenus une composante incontournable dans la stratégie fiscale des sociétés multinationales qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour échapper à l’impôt de leur État d’origine. Elles y installent des holdings à travers lesquelles elles peuvent faire apparaître leurs bénéfices, et ainsi payer des taxes dans ces territoires à très faible fiscalité.

Les grandes entreprises et les fonds spéculatifs y installent leurs filiales (Google en a une aux Bermudes), les riches particuliers y placent leur argent pour échapper à une fiscalité plus lourde dans leur pays d’origine (en Suisse, par exemple).

Le phénomène des paradis fiscaux n’a rien de mineur. Suite à l’affaire HSBC en France, avec la révélation d’une liste de possesseurs de comptes bancaires en Suisse, le gouvernement a mis en place une cellule dite « de régularisation » dans le but de faire revenir les évadés fiscaux. En 2 ans, quelques 7 milliards d’euros ont été rapatriés !

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Pourquoi on crie haro sur les paradis fiscaux

Techniquement, installer sa société ou placer ses biens dans des paradis fiscaux n’est pas illégal – puisque, c’est l’évidence, ces territoires existent et que leur fiscalité privilégiée est, sinon connue, du moins tolérée. Tout le problème est moral, car le fait de pouvoir faire transiter de l’argent par ces zones a de nombreuses conséquences :

  • Une entreprise qui crée des bénéfices devrait payer ses impôts dans son pays d’installation, celui qui l’a vue naître et croître.
  • Les paradis fiscaux établissent de fait une concurrence fiscale déloyale (voir notre exemple sur l’Irlande), encourageant les entreprises qui le peuvent à délocaliser pour profiter de taux d’imposition réduits, aux dépens des pays que ces entreprises quittent.
  • Les paradis fiscaux privent ces États, victimes de délocalisation, de ressources financières qui auraient pu être affectées à des projets sociaux. Cette baisse des revenus impacte directement sur le mode de vie des populations.
  • Ces transferts de capitaux sont volontairement opaques – eux diraient qu’ils sont « discrets ». Cette opacité participe au blanchiment d’argent sale issu de la corruption et des détournements de fonds, pénalisant le développement des États les plus pauvres.

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L’importance des paradis fiscaux dans l’économie

Il est difficile d’estimer le poids des paradis fiscaux dans l’économie mondiale, étant donné l’énergie dépensée par les territoires concernés pour conserver leurs activités au niveau de la discrétion absolue.

Néanmoins, comme on peut le lire ici, les associations avancent le chiffre astronomique de 17 000 milliards de dollars qui seraient à l’abri dans les paradis fiscaux. Si cet argent était redistribué aux pays en difficulté économique, l’existence même du FMI n’aurait plus de raison d’être…

Selon d’autres sources, 6 000 milliards d’euros seraient détenus, dans ces places avantageuses, uniquement par les particuliers, et notamment en Suisse. Le manque à gagner pour les États serait de quelques 1 000 milliards d’euros d’impôts en moins pour la seule Union européenne – dont 100 milliards pour la France. De quoi régler pas mal de soucis économiques dans l’Hexagone !

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